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Les concours et les médailles : Un Vin Presque parfait ?

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Après l'irresistible suspens "de Grégoire saura-t-il cacher à ses invités que son entrée est composée de surgelés ?" Voici les vins presque parfaits !

S’il est bien un produit qu’il est impossible de connaître seulement grâce à ses caractéristiques physiques, chimiques ou techniques, c’est bien le vin. Vous pouvez multiplier les informations sur l’étiquette, préciser le cépage, la nature du sol ou l’âge du vigneron, pousser jusqu’à la teneur en acide tartrique, décliner le pH et le taux d’alcool… Rien ne peut distinguer, a priori, un Grand Cru d’un vulgaire vin sans âme. Pourquoi ? Parce que le goût du vin, et plus spécifiquement la qualité de ce goût, ne peut encore s’analyser chimiquement de manière précise et objective.  C’est pourquoi la dégustation du vin est nécessaire pour se faire un avis. Or, rien qu’en France, plus de 200.000 vins différents sont mis en bouteille, et ce chaque année, en estimant au doigt grossièrement mouillé (personne ne sait exactement combien il existe de vins différents). Il conviendrait donc d’être un sacré soiffard pour se permettre de tout goûter car à 650 vins par jour, on dépasse la limite de consommation raisonnable.

Créés à l’origine pour promouvoir l’excellence de certains vins parmi leurs pairs, les concours de dégustation ont donc été créés pour permettre de discriminer des vins semblables (région, millésimes, cépages…) et donner un avis éclairé au consommateur qui doit choisir LA bouteille  dans l’océan de la production qui lui est offerte. La palme de l’ancienneté peut raisonnablement aller au Concours Général Agricole (CGA pour les intimes – plus de 12.000 vins présentés) qui fait figure de référence depuis 1870 en France. Mais aujourd’hui, la tendance à l’inflation a gagné également les concours… On en compte plus de 150 différents rien que pour la France, allant du concours des vignerons indépendants au concours des Femmes et vins du Monde, en passant par celui des vins de Candas où, cette année 30 échantillons différents ont été dégustés. Ils reposent à peu près tous sur le même principe expliqué ici.

Un nouveau Concours à l’initiative de M6… Un de plus ?

Avait-on besoin d’un nouveau concours ? C’est ce qu’ont pensé les décideurs du groupe M6 en annonçant en début d’année la tenue du concours de dégustation « Un vin presque Parfait ». L’accueil avait d’ailleurs été partagé sur la blogosphère, d’enthousiaste à (très) critique pour ne citer que quelques exemples.

le tables de dégustation du concours un vin presque parfait au palais Brongnart
Juste avant l'hallali

Le palmarès étant en ligne sur le site, faisons un petit retour d’expérience sur une manifestation presque parfaite qui s’est tenue le jeudi 9 juin dans le cadre prestigieux du palais Brongniart, le même écrin qui accueille le prestigieux salon de la RVF.

Le concours a eu un succès évident tout d’abord, puisque pas moins de 1.200 échantillons étaient représentés, dégustés par 93 jurys, soit près de 400 personnes. Le fait d’avoir un grand nombre d’échantillon est en effet important pour crédibiliser un tel concours, afin d’avoir une taille critique pour faire émerger les meilleurs vignerons. Le nombre de jurés était dans la moyenne d’un concours (4 à 5 par table).

des bouteilles masquées et anomymées
Va falloir améliorer le cadrage coco !

Ensuite, le sérieux apporté à l’organisation était très satisfaisant : bouteilles masquées et anonymes, présences de professionnels dans tous les jurys, vin servis à la presque bonne température, verres de dégustation de qualité (Spiegelau), panels des vins présenté par type et/ ou région assez homogènes. J’ai eu la chance de déguster les vins blancs de Bourgogne, avec une majorité de Chablis premiers crus par exemple (mais que faisait ce petit Bouzeron, perdu au milieu ?).

Au cœur du concept, de l’innovation intelligente pour cibler les consommateurs contemporains

Une attention particulière a été apportée par les organisateurs afin de chambouler (un peu) les règles classiques des concours pour un rajeunissement du concept assez réussi. L’objectif  était de faire émerger des vins pour et par les amateurs de plaisir décontracté, de partage, avec pour mot d’ordre, un « soyez gourmand ! » qui sonna le début de la dégustation. La première bonne surprise fut la jeunesse relative des dégustateurs, représentatifs des consommateurs occasionnels de vins actuels, qui veulent se faire plaisir sans se prendre la tête. En gros, peu de têtes blanches et beaucoup de trentenaires ! Deuxième bonne surprise, la féminisation des dégustateurs (dont telle ou telle blogueuse de talent si je ne m’abuse)… A vue de nez, au moins le tiers de l’assemblée.

Ces deux points sont très importants, car les concours de dégustation ont trop souvent un panel de dégustateurs plutôt représentatifs d’une frange masculine est plutôt âgée de la population, donc donnant lieu à une sélection de vins par et pour des hommes… Or cette population est de moins en moins représentative de la nouvelle génération d’amateurs de vins auquel semble s’intéresser le concours d’M6.

Enfin, un vin, pour être presque parfait se devait donc d’être bon, mais aussi à un prix donnant envie de l’acheter et qui plus est, dans un joli flacon, à l’habillage plaisant au plus grand nombre. Accompagnant la classique (notation sur 20 points) fiche de dégustation, où chacun notait les échantillons en fonction de son aspect visuel, de ses qualités olfactives et de son harmonie gustative, deux critères innovants ont été ajoutés. La première permettait de donner son avis sur le rapport qualité/prix du vin dégusté. Pour chaque échantillon, les dégustateurs devaient indiquer s’ils pensaient acheter la bouteille au prix indiqué (notation sur 5 : 1 = je n’achète pas, c’est trop cher pour ce que c’est,  5 = j’achète sans hésiter). La dernière fiche donnait lieu, après avoir rendu les deux autres, à la notation de l’habillage des bouteilles, jusque-là cachées derrière leurs chaussettes noires, pour ne pas influencer les dégustateurs… Chaque dégustateur devait ainsi s’exprimer sur l’aspect de la bouteille, par une note sur 5 également.

Ces deux critères ne sont jamais mis en avant dans les concours de dégustation… Or, si les critères de goût sont destinés aux consommateurs, l’analyse du prix et du look sont très utiles pour les vignerons. En effet, une majorité des consommateurs de vin se fiche de plus en plus du prestige des appellations, et cherchent un vin de plaisir, si possible à un bon rapport qualité-prix, avec, cerise sur le gâteau, une jolie bouteille qui donne envie de la prendre dans le rayonnage de la supérette ou du caviste… Ainsi, à ma table par exemple, le Corton-Charlemagne Grand Cru c’est vu affligé d’une note moyenne de dégustation, d’une note exécrable de rapport qualité-prix, et à peu près idem pour l’habillage de l’étiquette, vieillotte à souhait ! Les dégustateurs lui ont préféré un Montagny 1er Cru ou un Auxey-Duress de très bonne facture, six fois moins chers et plus modernes (pas de dorures-feuilles-d’acante-étiquette-parchemin) dans l’habillage… En gros, une information capitale pour un vigneron qui doit se positionner par rapport à la concurrence.

Des questions en suspend…

La dégustation fut assez courte, une quinzaine d’échantillons au maximum par jury, ce qui est à mon avis très bien pour les dégustateurs amateurs. Les fiches ont été rendues, et chaque jury a pu sélectionner ses bouteilles préférées pour les faire partager à tous autour d’un buffet frugal. Le dépouillement a été fait, permettant d’avoir une note pour chaque vin. Comment a été calculée la note ? A priori la moyenne des notes données par les jurés… Avec un poids important donné à la dégustation (sur 20), et moindre aux autres paramètres (sur 10). C’est une bonne chose, afin de permettre aux vins très bons, mais un peu cher et mal fagotés d’émerger au dessus des vins moyens mais bien marketé et à des prix plancher.

La liste est disponible sur le site (mais pas les notes a vue de nez), et il reste encore beaucoup de boulot pour améliorer l’ergonomie de navigation et la mise en avant des vins. Un livre sera édité, pas d’émission n’est cependant prévue, car la réglementation française interdit de promouvoir la consommation de vin à la télévision.

En conclusion, Un vin presque parfait semble combler un manque dans les concours de dégustation de vin : faire émerger des bouteilles pour les amateurs occasionnels de vins, qui veulent se faire plaisir à un bon rapport qualité prix, sans avoir à se prendre la tête des heures devant un linéaire de supermarché… L’organisation était sérieuse et conviviale, les producteurs ont joué le jeu, avec même de très belles bouteilles… Si la communication est bien menée par la suite et que la firme M6 met son talent à promouvoir les vignerons et leurs vins, alors ce concours aura le mérite d’avoir été presque parfait…