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Comment rareté et qualité influencent le prix d’une bouteille de vin

Un amateur fortuné de vins raffinés

Pour chacun d’entre-nous, il semble logique de payer plus cher un produit de meilleure qualité. Personne ne rechigne donc à payer une bouteille d’un Cru Bourgeois, réputé de meilleure qualité (quoique) plus cher que le Château Mille Secousses de l’épicier… Mais de là à accepter d’hypothéquer sa maison (ou pire) pour s’offrir la dive bouteille de ses rêves, il est un pas que beaucoup ne franchissent pas. Il est vrai qu’il est bien souvent difficile d’accepter que le prix d’une bouteille puisse varier d’un facteur 100 sans que la qualité du produit ou ses coûts de production ne puisse expliquer totalement cet écart. C’est bien évidemment ici qu’entre en compte la subjectivité de la valeur d’un vin, que certains chercheurs belges ont tout de même tenté d’expliquer, en prenant l’exemple des vins du Haut-Médoc. Laissons de côté les coûts de production (nous l’aborderons une autre fois) et la stratégie économique du vigneron (distribution, marketing…) et tâchons de résumer quelques points forts de l’étude.

L’impact de la qualité : cas du guide Parker

Un des premiers facteurs explicatifs du prix du vin est assurément la qualité. Mais comment mesure la qualité me direz-vous, puisque les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas ma bonne dame ! Nos chercheurs partent donc du postulat que le guide Parker est un bon indicateur (proxi) de la qualité d’un vin. Certes, cela risque de faire se hérisser les détracteurs du goût Parker (comme Jonathan Nossiter), mais nos auteurs pensent que la réputation du bonhomme doit tout de même avoir une certaine légitimité, puisque les consommateurs suivent ses avis.

Pour les néophytes, le fameux dégustateur note les vins sur une base 100 (<70 pas bon, >90 super bon). L’analyse révèle qu’en moyenne, un point supplémentaire dans la cotation de Parker accroît le prix d’un vin de 4,5 %. Si d’une année sur l’autre, vous remarquez que votre vigneron fétiche a augmenté ses tarifs de 20 %, cherchez donc dans le dernier Wine Advocate, il n’est pas impossible que  Monsieur Parker partage depuis peu vos goûts…

Mais, comme le disent les auteurs :

la qualité seule est très insuffisante pour expliquer les différences de prix observées. Sa contribution à l’explication des variations des prix apparaît même marginale par rapport aux variables de réputation. Ce résultat surprenant doit toutefois être fortement nuancé, car la réputation du producteur est établie en fonction de la qualité de ses productions antérieures. La qualité de l’année précédente exerce un signal positif. Il s’agit en quelque sorte d’un effet d’habitude ou de l’application du principe “qui a plu plaira”.

Le Rôle de la réputation : encore du Parker, beaucoup de tradition

Comme mesure de la réputation individuelle, les chercheurs utilisent à nouveau Parker qui a la bonne idée de classer les producteurs en six catégories selon leurs performances passées. Et mieux vaut, pour le vigneron, être dans une catégorie supérieure à celle de ses voisins, puisqu’à paramètres constants (même appellation, même millésime…) on observe un écart de 60 % des prix d’une catégorie à l’autre. Mais nos auteurs ne s’arrêtent pas là, sinon, leur étude se serait intitulée « influence du guide Parker sur la valeur des vins ». Ils interrogent donc l’image collective des bouteilles en s’intéressant au fameux classement de 1855 (celui qui créé les Crus classés du Haut Médoc).

Nos auteurs tirent deux conclusions principales : à qualité identique, on dépensera plus pour une appellation prestigieuse, comme Margaux et Saint Estèphe, que pour un Saint Emilion ou un Haut Médoc (moins réputé dans l’imaginaire collectif). L’effet du classement de 1855 est encore plus important selon nos auteurs, puisque le fait d’appartenir à la catégorie des premiers crus classés permet, toutes choses égales par ailleurs, de doubler le prix. L’effet est moins marqué pour les autres crus classés.

Et enfin… Rareté et millésime ont un impact non négligeable

Le millésime va influencer à la hausse ou à la baisse (en général à la hausse) le prix des bouteilles. En moyenne le vieillissement d’une année supplémentaire entraîne une augmentation de 5 % du prix pour une bouteille du même domaine. D’où, serions-nous tenté d’ajouter, la pertinence d’une stratégie d’investissement dans une cave à vins pour éviter de se ruiner en achetant « cash » des millésimes anciens.

La quantité de vin produite, quant à elle influence négativement le prix. Plus un domaine produit de bouteilles et moins il pourra les vendre cher. Pour illustrer ce constat, pensez par exemple au Domaine de la Romanée-Conti, qui produit 6.000 flacons par an de son fameux Grand Cru, vendus chacun aux alentours de 700 euros la bouteille en Primeur (edit, Le Coureur de vin me fait remarquer qu’aujourd’hui – 2015-, le prix d’une caisse panachée revient à 7000 euros environ, la Romanée-conti étant plus proche des 1700 euros la bouteille) mais pouvant atteindre 6.000 euros dans le commerce (edit – là encore, c’est souvent un minimum).

Vous me direz que l’étude ne révolutionne pas notre façon de voir le monde, mais elle a le mérite de proposer une mesure quantitative de facteurs qualitatifs. Les auteurs vont même jusqu’à proposer une  méthode d’évaluation statistique de la valeur des bouteilles, permettant de sélectionner les bouteilles sous valorisées par rapport à leurs consœurs. De façon plus pragmatique, cherchez les vins d’appellations moins prestigieuses, mais bien notés dans les guides ou les sites de dégustation, si vous voulez faire des économies. En revanche, si votre dévolu se porte sur les domaines prestigieux, prenez des années moins réputées pour faire des économies…