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Mieux parler du vin, c’est rendre le client heureux

course de garçon de cafés
Ah ça ! Pour faire les marioles, y a du monde ! Mais quand faut parler du vin au client, y a plus personne ! (DR)

Quand un amateur de vin voyage en Europe ou sur le continent américain, il est souvent surpris par l’attention qui est portée au service et à la présentation du vin dans les restaurants. Verrerie de qualité (les Zalto en Autriche, le Riedel à Londres…), bouteilles mises en évidence, carte des vins variées et informatives, et… personnel formé. Car ils savent que mieux présenter le vin, mieux en parler, c’est pouvoir en vendre plus, et plus cher.

La baisse de la consommation du vin au restaurant : modèle français ?

En France, encore trop souvent, il faut s’estimer heureux quand on peut boire dans un verre Inao. Les cartes des vins sont souvent incompréhensibles, et le personnel de salle n’y connait strictement rien…  J’exagère un peu, évidemment, mais l’on observe depuis ces récentes années une baisse importante de la consommation de vin (en bouteille) au restaurant, au profit du service du vin au verre… Cette nouvelle donne demande de faire évoluer l’attention portée à la présentation et au discours autour du vin. Impossible de pérenniser son activité (et ses marges) avec une carte des vins standard et aucun conseil au client.

Sous prétexte que les Français n’y connaissent pas grand-chose non plus, les restaurateurs considèrent le vin comme un produit sans importance, et accordent peu d’intérêt à la façon de le vendre. Pourtant le bon sens commercial et de récentes études prouvent qu’il y a tout intérêt à mettre ce produit en avant auprès du public.

Plus on donne d’informations au sujet du vin : plus le client le trouvera bon

Le client, face au choix des vins au restaurant comme au supermarché, est souvent démuni. S’il sait quel goût a un Soda (chut chut pas de marque…), sa connaissance des régions françaises, des cépages ou des méthodes de vinification est très certainement réduite. Pourquoi ne pas l’aider en lui donnant des informations par exemple ? Ca peut paraître marqué au coin du bon sens (ça l’est), mais en plus c’est scientifiquement prouvé.

Une récente étude australienne (pas américaine, désolé) a montré qu’un même vin était apprécié différemment par les consommateurs selon la quantité d’informations reçues sur le vin et le producteur. Cette étude portait sur un panel de 126 consommateurs à qui l’on faisait déguster 3 vins blancs monocépages (Riesling, chardonnay, Sauvignon blanc) après un vin de mise en bouche. D’après les résultats, plus la quantité d’informations données avant la dégustation (sur l’étiquette) est importante, plus le consommateur appréciera le vin et plus il lui associera des émotions positives. Encore mieux, cette étude semble montrer que le consommateur sera prêt à payer plus cher s’il a reçu plus d’informations.

Un restaurant doit proposer une carte des vins informative

Imaginons que vous alliez au restaurant, vous pointez sur la carte un vin, au milieu : « Chardonnay, 2015, Côtes-de-Thongues, domaines des cailloux ». Osez demander et ce vin, comment est-il ? Ou, peut-être plus provocateur, ce chardo, là, il est bon ? Attendez la réponse…

Evidemment, quand on pose ce genre de question, ce n’est pas pour s’entendre dire que le vin est bon (on l’imagine, vu que le restaurateur le vend)… Ce qu’on attend, c’est d’avoir deux trois informations sur le style (frais et léger, riche, fruité et facile à voire…) et pourquoi pas, soyons fou, un aiguillage vers autre vin en fonction de ce qu’on a choisi…

Et si la carte des vins anticipait déjà cette demande ?

Cette solution simple est pourtant absente de quasiment toutes les cartes des vins des restaurants. Il suffit donc de rédiger une carte en décrivant les vins en quelques mots compréhensibles : sous les mentions obligatoires. Par exemple, « sec et fruité, souple et gourmand en bouche» et un accord recommandé, soit dans la carte, soit plus général (à l’apéro, avec une viande, parfait sur les fromages…).

Le double avantage de cette méthode : premièrement,  informer le client, qui très certainement n’y connait rien, et ne sait pas ce qu’est un Chardonnay, ni où se situe l’appellation Côtes-de-thongue; deuxièmement, permettre à des équipes peu ou mal formées de conseiller rapidement le client si on lui demande un avis… Et puisque qu’un client mieux informé est un client qui apprécie mieux le vin et est prêt à payer plus, il serait absurde de s’en priver !

Au restaurateur de mieux former son personnel au vin

Tous les restaurants chez qui j’ai eu des déconvenues avec le service du vin ne formaient pas le personnel de salle à la carte des vins de l’établissement. Il ne goûtait pas les vins, n’en parlait pas avec le patron, et dans le meilleur des cas se formait sur le tas en écoutant les retours clients.

Pourtant, il est simple de donner les rudiments à son personnel si l’on possède les bases de la dégustation. Cela commence par faire goûter les vins (au moins ceux servis au verre) à l’ensemble de l’équipe de salle et de cuisine. Oui, toute l’équipe ! Même les serveurs saisonniers, ou le petit jeune qui donne un coup de main tous les week-ends. Puis, poser quelques mots sur le style du vin, et réfléchir avec l’équipe de cuisine avec quels types de plats on pourrait les marier…  J’ajouterais qu’il faut surtout leur demander leur avis, les faire parler et donner leurs impressions sur les vins.

Ensuite, on peut toujours former son personnel, s’il a vocation à rester dans l’établissement, ou se former soi-même en amont et lui donner les rudiments lors des premiers jours de travail, s’il est saisonnier. Le WSET niveau 2 par exemple, une formation professionnelle courte qui donne les rudiments de compréhension des styles des vins de France et d’ailleurs, et des principes d’accord mets et vins…

Enfin, si l’on en croit l’étude, puisque les consommateurs semblent d’autant mieux apprécier les informations détaillées et chargées d’émotions sur le vin, il ne ferait pas de mal, non plus, à certains restaurateurs de mieux connaître les domaines qu’il proposent à la carte. Avec un peu de curiosité et de temps passé sur les salons, il pourrait ensuite évoquer des informations plus élaborées sur le terroir et la personnalité ou la philosophie de travail du vigneron…

Car pour transmettre des émotions, quoi de mieux que de proposer des vins choisis et appréciés auprès de vignerons rencontrés en chair et en os ? Si mieux présenter et mieux parler du vin favorise la vente, le retour sur investissement est immédiat. Pourquoi encore hésiter ?